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3 juin 2010 4 03 /06 /juin /2010 12:04

CONTRIBUTION

« J’ai mal et j’ai honte pour mon pays »

 

Chaque jour qui passe, je sens que c’est encore plus grave qu'on ne pense. Aucune réaction du pouvoir, aucune excuse de la part du mis en cause, comme si la tendance est à l’oubli des faits qui se sont produits ce mardi 4 mai 2010, peu après 11 heures, sur l’une des artères les plus passantes de Dakar, haut lieu de notre fierté nationale, l’Avenue de la République. Devant des dizaines de témoins scandalisés et parmi eux des étrangers qui croyaient certainement au tournage d’un film digne d’un James Bond nouvelle formule. De quoi s’agit-il ? Témoin occulte du début à la fin, je vous donne le film des évènements gravés dans ma mémoire.

J’étais à pieds à la hauteur du carrefour de l’hôtel des Députés sur le Boulevard de la République, quand mon attention fut attirée par une 4X4 venant du flot de la corniche, bloquée au beau milieu du carrefour par un agent de police qui offre son corps en rempart pour l’obliger à stopper. Quand elle s’est immobilisée, le policier vint au devant de la portière conducteur de cette grosse voiture aux vitres tintées. Il demande de baisser la vitre par une mimique très significative. Le conducteur s’exécute mais l’échange qui suit n’est pas des plus reluisantes :

-        « Mbacké-Mbacké » lance le conducteur qui était bien engoncé dans un boubou Basin, couleur crème et un bonnet en feutre noir, bien vissé sur la tête.

-        « Mbacké-Mbacké » ou pas, tu devras t’arrêter à mon injonction dit l’agent.

-        « Sa Th…..Ndèye », rétorque-t-il à l’agent et il démarre en tromble. C’est une injure que la décence m’empêche de traduire. De la bouche d’un responsable, encore plus de quelqu’un qui se réclame de famille maraboutique, c’est plus que scandaleux.

Surpris par cette réaction aussi inattendue que vile de la part d’une personne respectable et qui se réclame de bonne famille, il répondit instinctivement à l’injure plusieurs fois de suite en poursuivant la voiture. C’est à cet instant que je lui ai demandé d’être serein et d’adopter une attitude plus maîtrisée. Il m’expliqua, hors de lui, ce qui s’est passé. Convenons avec lui que c’est insoutenable d’endurer une pareille rébellion quand on se sent maître des lieux comme le sont au carrefour, les policiers, habitués à être respectés au doigt et à l’œil.

Ce fait divers aurait pu être anodin si ce qui suit ne venait en faire un DRAME. Vivez la suite.

La circulation étant au ralenti, il rejoint en courant la voiture à hauteur de l’entrée de Sorano et tout en marchant à l’allure du bolide lui demande avec insistance de baisser sa vitre, de lui donner les papiers et de s’arrêter. Que nenni ! C’est le mépris total. Mais à hauteur de la porte de l’ancienne Radio nationale, la circulation est arrêtée et un petit véhicule bloque la 4X4. Le policier va au devant de la conductrice et lui enjoint de ne pas bouger, ce que la pauvre femme qui conduisait ne comprenait pas. Elle tremblait visiblement avec des « mais qu’est-ce que j’ai fait ? » même après qu’on lui ait expliqué que c’est pour bloquer la voiture qui est derrière elle. Sur ce l’agent sort son talkie-walkie et appelle du renfort du Ministère de l’intérieur tout proche. Dans la minute qui a suivi, trois éléments sont venus en courant à son secours. Rapidement briefés, ils entourent la voiture avec force geste pour arriver à faire entendre raison au conducteur rebelle. Ce temps parut interminable. Subitement le conducteur voyant l’espace laissé par son suivant  enclenche une marche arrière pour se libérer mais c’était sans compter avec l’agent qui soupçonnant la manœuvre va occuper la voie où il pouvait déboucher. Sans état d’âme le conducteur de la 4X4 fonce sur lui et il n’a du son salut qu’en sautant sur le côté. Mais le jeune policier qui s’était agrippé à la portière verrouillée va être entrainé comme feuille devant les gens ébahis redoutant le pire. Qu’adviendra-t-il s’il lâche prise ? Si la voiture rencontre une voiture de trop  près ?  Il y aurait certainement un cadavre gênant. C’est un grand boum qui répond à leur interrogation, la voiture venait d’emboutir une voiture qui voulait contourner ce bouchon. Là tout s’arrête net. Les quatre policiers l’extirpent violemment de la voiture, le ceinturent avec son joli boubou Bazin, l’empoignent vigoureusement au collet et le traînent à l’intérieur du Ministère de l’Intérieur poursuivis par les quolibets de la foule qui lui souhaitaient et lui prédisaient une punition exemplaire.

Jusque là, rien de grave, nous sommes certainement en présence d’un homme qui certainement était dans un état second pour avoir provoqué autant de délits punissables sans se rendre compte de leur gravité. A moins qu’il ne fasse du « Maatèye » sachant que rien ne pourrait lui arriver. La suite semble lui avoir donné raison. D’après des journalistes venus couvrir l’évènement, peu après, il semble qu’une fois le Ministre de l’Intérieur averti, celui ci est descendu de suite, déroula un tapis rouge au « fils  de  marabout », l’invita dans un salon et certainement demanda aux agents de se confondre en excuse pour réparer les désagréments qu’ils lui ont fait subir et enfin exiger d’eux de se prosterner devant lui pour recevoir des bénédictions. Ainsi va le Sénégal.

Si j’ai tenu à revenir sur ce fait, bien que les journaux l’aient relaté dans leur édition du lendemain, c’est parce que je sais qu’il n’a pas été inquiété malgré la gravité des faits qui continuent à alimenter les causeries des grands places. Aucune excuse publique de la part du mis en cause. Aucune relation des autorités pour rassurer le public et montrer qu’un tel comportement (injures, refus d’obtempérer, voies de fait sur agents en service, destruction de bien privé) mérite une punition qui en fait est la prison pour le commun des sénégalais.  Le « deux poids et deux mesures » a de beaux jours devant lui. Le Procureur, dépositaire de la paix sociale aurait du s’autosaisir de la chose même sans plainte. Si je reviens dessus c’est parce que je sens la frustration des policiers qui ont perdu tant d’efforts et risqué leur vie pour être désavoués la minute suivante. Oseraient-ils recommencer, demain ? Si je reviens dessus c’est pour inciter les autorités à avoir conscience que le pays, par eux hérité, est une République (du latin res publica qui signifie « chose publique »). Puis qu’elle appartient à tout le monde, donnons-nous des règles de conduites égalitaires pour éviter des frustrations. Si je reviens dessus c’est pour m’ériger contre tout passe-droit de quelques bords qu’il vienne. S’il lance au policier cette identité d’appartenance, c’est parce qu’il sait que comme un sésame, elle ouvre toutes les portes et devient même le refuge privilégié de tous ceux qui cherchent l’impunité. J’ai honte et j’ai peur pour mon pays car cet acte apparemment anodin est un ver dans le fruit Sénégal. Il va s’y multiplier et s’y multiplier encore et encore  et quand on s’en rendra compte il sera trop tard, le pays ira choir dans le domaine des pays sans foi ni loi. Dieu nous en garde, Amine.

Mamadou SOW



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